Page:Maupassant - Le Horla, OC, Conard, 1909.djvu/133

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— Comben qu’é prend, la Rapet, pour une garde ?

Le médecin criait :

— Est-ce que je sais, moi ? Ça dépend du temps que vous lui demanderez. Arrangez-vous avec elle, morbleu ! Mais je veux qu’elle soit ici dans une heure, entendez-vous ?

L’homme se décida :

— J’y vas, j’y vas ; vous fâchez point, m’sieu l’médecin.

Et le docteur s’en alla, en appelant :

— Vous savez, vous savez, prenez garde, car je ne badine pas quand je me fâche, moi !

Dès qu’il fut seul, le paysan se tourna vers sa mère, et, d’une voix résignée :

— J’vas quéri la Rapet, pisqu’il veut, c’t homme. T’éluge point tant qu’je r’vienne.

Et il sortit à son tour.


La Rapet, une vieille repasseuse, gardait les morts et les mourants de la commune et des environs. Puis, dès qu’elle avait cousu ses clients dans le drap dont ils ne devaient plus sortir, elle revenait prendre son fer dont elle frottait le linge des vivants. Ridée comme une pomme de l’autre année, méchante, jalouse, avare d’une avarice tenant du phénomène, courbée en deux comme si elle eût été cassée aux reins par l’éternel mouvement du