Page:Maupassant - Le Horla, OC, Conard, 1909.djvu/272

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passe aussi vite que le vent, à peine a-t-on le temps de les voir.

Nous sommes maintenant assez près de la terre, et notre ami Beer s’écrie : « Regardez donc ! qu’est-ce qui court là-bas dans ce champ ? N’est-ce pas un chien ? » Quelque chose court en effet sur le sol avec une prodigieuse vitesse, et ce quelque chose semble franchir les fossés, les routes, les arbres avec une telle facilité que nous ne comprenons pas. Le capitaine riait : « C’est l’ombre de notre ballon, dit-il. Elle va grossir à mesure que nous descendrons. »

J’entendis distinctement un grand bruit de forges dans le lointain, et comme nous n’avons cessé, durant toute la nuit, de nous diriger sur l’étoile polaire, que j’ai souvent regardée et consultée du pont de mon petit yacht sur la Méditerranée, nous allons indubitablement vers la Belgique.

Notre sirène et nos deux trompes appellent sans discontinuer. Quelques cris nous répondent, cris de charretier qui s’arrête, cri de buveur attardé. Nous hurlons : « Où sommes-nous ? » Mais le ballon va si vite que jamais l’homme effaré n’a le temps de nous répondre. L’ombre grossie du Horla, large comme une balle d’enfant, fuit devant nous, sur les