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LES ROIS

provisions, la cuisine, et mettre la table. Moi, je trouverai la cachette au vin.

Et je m’en allai reconnaître les rues désertes jusqu’à la sortie sur la plaine, pour y placer mes factionnaires.

Une demi-heure plus tard, j’étais de retour. Je trouvai Marchas étendu dans un grand fauteuil Voltaire, dont il avait ôté la housse, par amour du luxe, disait-il. Il se chauffait les pieds au feu, en fumant un cigare excellent dont le parfum emplissait la pièce. Il était seul, les coudes sur les bras du siège, la tête entre les épaules, les joues roses, l’œil brillant, l’air enchanté.

Dans la pièce voisine, j’entendais un bruit de vaisselle. Marchas me dit en souriant d’une façon béate :

— Ça va, j’ai trouvé le bordeaux dans le poulailler, le champagne sous les marches du perron, l’eau-de-vie, — cinquante bouteilles de vraie fine — dans le potager, sous un poirier, qui vu à la lanterne, ne m’a pas semblé droit. Comme solide, nous avons deux poules, une oie, un canard, trois pigeons et un merle cueilli dans une cage, rien que de la plume, comme tu vois. Tout ça cuit en ce moment. Ce pays est excellent.

Je m’étais assis en face de lui. La flamme de la cheminée me grillait le nez et les joues :

— Où as-tu trouvé ce bois-là ? demandais-je.

Il murmura :