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LES ROIS

le bout du doigt. S’il y en a une possible pour nous, et si tu t’y prends bien, il te l’indiquera.

— Voyons, Marchas ? à quoi penses-tu ?

— Mon cher Garens, tu peux faire ça très bien. Ce serait même très drôle. Nous savons vivre, parbleu ! et nous serons d’une distinction parfaite, d’un chic extrême. Nomme-nous à l’abbé, fais-le rire, attendris-le, séduis-le et décide-le !

— Non, c’est impossible.

Il rapprocha son fauteuil et, comme il connaissait mes côtés faibles, le gredin reprit :

— Songe-donc comme ce serait crâne à faire et amusant à raconter. On en parlerait dans toute l’armée. Ça te ferait une rude réputation.

J’hésitais, tenté par l’aventure. Il insista :

— Allons, mon petit Garens. Tu es chef de détachement, toi seul peux aller trouver le chef de l’Église en ce pays. Je t’en prie, vas-y. Je raconterai la chose en vers, dans la Revue des Deux Mondes, après la guerre, je te le promets. Tu dois bien ça à tes hommes. Tu les fais assez marcher depuis un mois.

Je me levai en demandant :

— Où est le presbytère ?

— Tu prends la seconde rue à gauche. Au bout, tu trouveras une avenue ; et, au bout de l’avenue, l’église. Le presbytère est à côté.

Je sortais ; il me cria :

— Dis-lui le menu pour lui donner faim !