Page:Maupassant - Les dimanches d'un bourgeois de Paris - Ollendorff, 1906.djvu/57

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
49
chez un ami

Une grande carafe pleine d’eau légèrement teintée de rouge tirait l’œil de Patissot. Boivin, un peu confus, dit à sa femme :

— Dis donc, ma chérie, pour l’occasion, ne vas-tu pas nous donner un peu de vin pur ?

Elle le dévisagea furieusement :

— Pour que vous vous grisiez tous les deux, n’est-ce pas, et que vous restiez à crier chez moi toute la journée ? Merci de l’occasion !

Il se tut. Après le ragoût, elle apporta un autre plat de pommes de terre accommodées avec un peu de lard tout à fait rance ; quand ce nouveau mets fut achevé, toujours en silence, elle déclara :

— C’est tout. Filez maintenant.

Boivin la contemplait, stupéfait.

— Mais le pigeon ? le pigeon que tu plumais ce matin ?

Elle mit ses mains sur ses hanches.

— Vous n’en avez pas assez peut-être ? Parce que tu amènes des gens, ce n’est pas une raison pour dévorer tout ce qu’il y a dans la maison. Qu’est-ce que je mangerai, moi, ce soir, monsieur ?