Page:Maupassant - Les inconnues, paru dans Gil Blas, 16 octobre 1883.djvu/10

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passion. Elle les relève un peu, jusqu’à la bouche, pas plus haut et rend franchement les baisers. Peu à peu l’étreinte se serre, elle défaille, trébuche, tombe et s’abandonne.

Puis, le tenant encore en ses bras, elle murmure : « Comme c’est gentil, dis, sans m’avoir vue, avec tout le mystère de l’inconnu. » Alors elle arrache sa dentelle.

Horreur ! Elle a cinquante-cinq ans !

Et il dîne en face d’elle comme en face d’un remords, avec la crainte grandissante du dessert. Elle lui prend et lui meurtrit le genou, lui écrase le pied.

Et elle lui conte les histoires de tous les hommes qu’elle rend fous d’amour.

Car elle se croit belle, et désirable !

Il n’ose plus parler, ni manger, ni rester, ni fuir. Une migraine affreuse, dit-il, le saisit, et il finit par échapper en jurant… mais un peu tard.

Et on l’y reprend toujours.

Car les écrivains sont fats et faibles comme d’autres. Ils donnent tête baissée,