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l’héritage

relevé, il aperçut, sur la blancheur de l’oreiller, la figure de tante Charlotte, les yeux fermés, si creuse, si rigide, si blême, qu’elle avait l’air d’une bonne femme en cire.

Il demanda avec angoisse : « Est-ce fini ? »

Cachelin, qui contemplait aussi sa sœur, se tourna vers lui et ils se regardèrent. Il répondit « Oui », voulant forcer son visage à une expression désolée, mais les deux hommes s’étaient pénétrés d’un coup d’œil, et sans savoir pourquoi, instinctivement, ils se donnèrent une poignée de mains, comme pour se remercier l’un l’autre de ce qu’ils avaient fait l’un pour l’autre.

Alors, sans perdre de temps, ils s’occupèrent avec activité de toutes les besognes que réclame un mort.

Lesable se chargea d’aller chercher le médecin et de faire, le plus vite possible, les courses les plus pressées.

Il prit son chapeau et descendit l’escalier en courant, ayant hâte d’être dans la rue, d’être seul de respirer, de penser, de jouir solitairement de son bonheur.

Lorsqu’il eut terminé ses commissions, au lieu de rentrer il gagna le boulevard, poussé par le désir de voir du monde, de se mêler au mouvement, à la vie heureuse du soir. Il avait envie de crier aux passants : « J’ai cinquante mille livres de rentes, » et il allait, les mains dans ses poches,