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l’héritage

main gauche, tandis qu’il la giflait furieusement de la droite. Elle reculait, éperdue, suffoquant. Elle rencontra le lit et s’abattit dessus à la renverse. Il ne lâchait point et frappait toujours. Tout à coup il se releva, essoufflé, épuisé ; et, honteux soudain de sa brutalité, il balbutia :

« Voilà… voilà… voilà ce que c’est. »

Mais elle ne remuait point, comme s’il l’eût tuée. Elle restait sur le dos, au bord de la couche, la figure cachée maintenant dans ses deux mains. Il s’approcha, gêné, se demandant ce qui allait arriver et attendant qu’elle découvrit son visage pour voir ce qui se passait en elle. Au bout de quelques minutes, son angoisse grandissant, il murmura : « Cora ! dis, Cora ! » Elle ne répondit point et ne bougea pas. Qu’avait-elle ? Que faisait-elle ? Qu’allait-elle faire surtout ?

Sa rage passée, tombée aussi brusquement qu’elle s’était éveillée, il se sentait odieux, presque criminel. Il avait battu une femme, sa femme, lui, l’homme sage et froid, l’homme bien élevé et toujours raisonnable. Et dans l’attendrissement de la réaction, il avait envie de demander pardon, de se mettre à genoux, d’embrasser cette joue frappée et rouge. Il toucha, du bout du doigt, doucement, une des mains étendues sur ce visage invisible. Elle sembla ne rien sentir. Il la flatta, la caressant comme on caresse un chien grondé. Elle ne s’en aperçut pas. Il dit encore :