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l’héritage

un ennemi mortel, et il le méprisait en même temps pour sa faiblesse, et surtout pour sa lâcheté, depuis qu’il avait renoncé à poursuivre l’espoir commun par crainte de sa santé.

Lesable, en effet, vivait plus séparé de sa femme que si aucun lien ne les eût unis. Il ne l’approchait plus, ne la touchait plus, évitait même son regard, autant par honte que par peur.

Cachelin, chaque jour, demandait à sa fille : « Eh bien, ton mari s’est-il décidé ? »

Elle répondait : « Non, papa. »

Chaque soir, à table, avaient lieu des scènes pénibles. Cachelin sans cesse répétait : « Quand un homme n’est pas un homme, il ferait mieux de crever pour céder la place à un autre. »

Et Cora ajoutait : « Le fait est qu’il y a des gens bien inutiles et bien gênants. Je ne sais pas trop ce qu’ils font sur la terre si ce n’est d’être à charge à tout le monde. »

Lesable buvait ses drogues et ne répondait pas. Un jour enfin, son beau-père lui cria : « Vous savez, vous, si vous ne changez pas d’allures, maintenant que vous allez mieux, je sais bien ce que fera ma fille !… »

Le gendre leva les yeux, pressentant un nouvel outrage, interrogeant du regard. Cachelin reprit : « Elle en prendra un autre que vous, parbleu ! Et vous avez une rude chance que ce ne soit pas