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regret

mandé une recette de cuisine. C’est qu’il avait soixante-deux ans !

La porte s’ouvrit ; elle parut. C’était maintenant une grosse femme large et ronde, aux joues pleines, au rire sonore. Elle marchait les mains loin du corps et les manches relevées sur ses bras nus, poissés de jus sucré. Elle demanda, inquiète :

— Qu’est-ce que vous avez, mon ami ; vous n’êtes pas malade ?

Il reprit :

— Non, ma chère amie, mais je veux vous demander une chose qui a pour moi beaucoup d’importance, et qui me torture le cœur. Me promettez-vous de me répondre franchement ?

Elle sourit,

— Je suis toujours franche. Dites.

— Voila. Je vous ai aimée du jour où je vous ai vue. Vous en étiez-vous doutée ?

Elle répondit en riant, avec quelque chose de l’intonation d’autrefois :

— Gros bête, va ! Je l’ai bien vu du premier jour !

Saval se mit à trembler ; il balbutia :

— Vous le saviez ?… Alors…

Et il se tut.

Elle demanda :

— Alors ?… Quoi ?

Il reprit :