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mon oncle jules

huîtres sur un navire en marche. Il trouva cela bon genre, raffiné, supérieur, et il s’approcha de ma mère et de mes sœurs en demandant :

— Voulez-vous que je vous offre quelques huîtres ?

Ma mère hésitait, à cause de la dépense ; mais mes deux sœurs acceptèrent tout de suite. Ma mère dit, d’un ton contrarié :

— J’ai peur de me faire mal à l’estomac. Offre ça aux enfants seulement, mais pas trop, tu les rendrais malades.

Puis, se tournant vers moi, elle ajouta :

— Quant à Joseph, il n’en a pas besoin ; il ne faut point gâter les garçons.

Je restai donc à côté de ma mère, trouvant injuste cette distinction. Je suivais de l’œil mon père, qui conduisait pompeusement ses deux filles et son gendre vers le vieux matelot déguenillé.

Les deux dames venaient de partir, et mon père indiquait à mes sœurs comment il fallait s’y prendre pour manger sans laisser couler l’eau ; il voulut même donner l’exemple et il s’empara d’une huître. En essayant d’imiter les dames, il renversa immédiatement tout le liquide sur sa redingote et j’entendis ma mère murmurer :

— Il ferait mieux de se tenir tranquille.