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mon oncle jules

Mais tout à coup mon père me parut inquiet ; il s’éloigna de quelques pas, regarda fixement sa famille pressée autour de l’écailleur, et, brusquement, il vint vers nous. Il me sembla fort pâle, avec des yeux singuliers. Il dit, à mi-voix à ma mère :

— C’est extraordinaire, comme cet homme qui ouvre les huîtres ressemble à Jules.

Ma mère, interdite, demanda :

— Quel Jules ?

Mon père reprit :

— Mais… mon frère… Si je ne le savais pas en bonne position, en Amérique, je croirais que c’est lui.

Ma mère, effarée, balbutia :

— Tu es fou ! Du moment que tu sais bien que ce n’est pas lui, pourquoi dire ces bêtises-là ?

Mais mon père insistait :

— Va donc le voir, Clarisse ; j’aime mieux que tu t’en assures toi-même, de tes propres yeux.

Elle se leva et alla rejoindre ses filles. Moi aussi, je regardais l’homme. Il était vieux, sale, tout ridé, et ne détournait pas le regard de sa besogne.

Ma mère revint. Je m’aperçus qu’elle tremblait. Elle prononça très vite :

— Je crois que c’est lui. Va donc demander des renseignements au capitaine. Surtout, sois pru-