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l’héritage

Donc, un lundi matin, avant la venue de ses confrères, il frappa à la porte de ce potentat.

Une voix aigre cria : « Entrez ! » Il entra.

Assis devant une grande table couverte de paperasses, tout petit avec une grosse tête qui semblait posée sur son buvard, M. Torchebeuf écrivait. Il dit, en apercevant son employé préféré : « Bonjour, Lesable ; vous allez bien ? »

Le jeune homme répondit : « Bonjour, cher maître, fort bien, et vous-même ? »

Le chef cessa d’écrire et fit pivoter son fauteuil. Son corps mince, frêle, maigre, serré dans une redingote noire de forme sérieuse, semblait tout à fait disproportionné avec le grand siège à dossier de cuir. Une rosette d’officier de la Légion d’honneur, énorme, éclatante, mille fois trop large aussi pour la personne qui la portait, brillait comme un charbon rouge sur la poitrine étroite, écrasée sous un crâne considérable, comme si l’individu tout entier se fût développé en dôme à la façon des champignons.

La mâchoire était pointue, les joues creuses, les yeux saillants, et le front démesuré, couvert de cheveux blancs rejetés en arrière.

M. Torchebeuf prononça : « Asseyez-vous, mon ami, et dites-moi ce qui vous amène. »

Pour tous les autres employés il se montrait d’une rudesse militaire, se considérant comme un capitaine à son bord, car le ministère repré-