Page:Maupassant - Mont-Oriol, 1887.djvu/222

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— Oh ! que je suis heureuse, que je suis heureuse de nous retrouver ensemble, ici ! Y songes-tu ? Paul, quelle joie ! Comme nous allons nous aimer encore !

Elle soupira d’une voix si faible qu’elle semblait un souffle :

— J’ai une envie folle de t’embrasser, mais folle… là,… folle. Je ne t’ai pas vu depuis si longtemps !

Puis soudain, avec une énergie violente de femme passionnée, à qui tout doit céder :

— Écoute, je veux… tu entends… je veux aller avec toi, tout de suite, à l’endroit où nous nous sommes dit adieu, l’an dernier ! tu te rappelles bien, sur la route de La Roche-Pradière ?

Il répondit stupéfait :

— Mais c’est insensé, tu ne peux plus marcher. Tu as été debout toute la journée ! C’est insensé, je ne le permettrai pas.

Elle s’était levée, et elle répéta :

— Je le veux. Si tu ne m’accompagnes pas, j’irai seule.

Et lui montrant la lune qui se levait :

— Tiens, c’était un soir tout pareil ! Tu te rappelles, comme tu baisais mon ombre ?

Il la retenait :

— Christiane… écoute… c’est ridicule… Christiane.

Elle ne répondait pas et marchait vers la descente qui conduisait aux vignes. Il connaissait cette volonté calme que rien ne faisait dévier, l’entêtement gracieux de ces yeux bleus, de ce petit front de