Page:Maupassant - Sur l'eau, 1888.djvu/98

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Elle me parut très élégante et très simple avec une robe grise de voyage et un chapeau de feutre hardi et coquet. Lui, je ne le vis guère. Je remarquai seulement qu’il avait l’air comme il faut. Je m’étais assis derrière le tronc d’un pin pour les regarder passer. Ils ne m’aperçurent pas et continuèrent à descendre, en se tenant par la taille, sans dire un mot, tant ils s’aimaient.

Quand je ne les vis plus, je sentis qu’une tristesse m’était tombée sur le cœur. Un bonheur m’avait frôlé, que je ne connaissais point et que je pressentais le meilleur de tous. Et je revins vers la baie d’Agay, trop las, maintenant pour continuer ma promenade.

Jusqu’au soir, je m’étendis sur l’herbe, au bord de la rivière, et, vers sept heures, j’entrai dans l’auberge pour dîner.

Mes matelots avaient prévenu le patron, qui m’attendait. Mon couvert était mis dans une salle basse peinte à la chaux, à côté d’une autre table où dînaient déjà, face à face et se regardant au fond des yeux, mes amoureux de tantôt.