Page:Maupassant - Un vieux (extrait de Gil Blas, édition du 1882-09-26).djvu/8

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s’occuper de ses maladies et pas d’autre chose, et supérieur à tous les médecins de l’univers, à tous, sans exception.

Il n’avait jamais considéré les autres hommes que comme des espèces de pantins créés pour meubler la nature. Il les distinguait en deux classes : ceux qu’il saluait parce qu’un hasard l’avait mis en rapport avec eux, et ceux qu’il ne saluait pas. Ces deux catégories d’individus lui demeuraient d’ailleurs également indifférentes.

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Mais à partir du jour où le médecin de Rondelis lui eut apporté la liste des dix-sept habitants de la ville ayant passé quatre-vingt ans, il sentit s’éveiller dans son cœur un intérêt nouveau, une sollicitude inconnue pour ces vieillards qu’il allait voir tomber l’un après l’autre.

Il ne les voulut pas connaître, mais il se fit une idée très nette de leurs personnes, et il ne parlait que d’eux avec le médecin qui dînait chez lui chaque jeudi. Il demandait : « Eh bien, docteur, comment va Joseph Poinçot, aujourd’hui ? Nous l’avons laissé un peu souffrant la semaine dernière. » Et quand le médecin avait fait le bulletin de la santé du malade, M. Daron