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YVETTE.

ragée. Je suis, en attendant mieux, son fournisseur de livres. Elle m’appelle son « bibliothécaire. »

Chaque semaine, la Librairie Nouvelle lui adresse, de ma part, tout ce qui a paru, et je crois qu’elle lit tout, pêle-mêle.

Ça doit faire dans sa tête une étrange salade.

Cette bouillie de lecture est peut-être pour quelque chose dans les allures singulières de cette fille. Quand on contemple l’existence à travers quinze mille romans, on doit la voir sous un drôle de jour et se faire, sur les choses, des idées assez baroques.

Quant à moi, j’attends. Il est certain, d’un côté, que je n’ai jamais eu pour aucune femme le béguin que j’ai pour celle-là.

Il est encore certain que je ne l’épouserai pas.

Donc, si elle a eu des amants, j’augmenterai l’addition. Si elle n’en a pas eu, je prends le numéro un, comme au tramway.

Le cas est simple. Elle ne se mariera pas, assurément. Qui donc épouserait la fille de la marquise Obardi, d’Octavie Bardin ? Personne, pour mille raisons.

Où trouverait-on un mari ? Dans le monde ?