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MISTI.

— Pourquoi ça ?

La vieille s’assit près d’elle familièrement et lui prit la main :

— C’est le malheur de ma vie, dit-elle.

Mon amie voulut savoir. Elle se pressait contre la commère, la questionnait, la priait : une crédulité pareille les faisait sœurs par la pensée et par le cœur. La femme enfin se décida : « Ce chat-là, dit-elle, je l’ai aimé comme on aime un frère. J’étais jeune alors, et toute seule, couturière en chambre. Je n’avais que lui. Mouton. C’est un locataire qui me l’avait donné. Il était intelligent comme un enfant, et doux avec ça, et il m’idolâtrait, ma chère dame, il m’idolâtrait plus qu’un fétiche. Toute la journée sur mes genoux à faire ron-ron, et toute la nuit sur mon oreiller ; je sentais son cœur battre, voyez-vous.

« Or il arriva que je fis une connaissance, un brave garçon qui travaillait dans une maison de blanc. Ça dura bien trois mois sans que je lui aie rien accordé. Mais vous savez, on faiblit, ça arrive à tout le monde ; et puis, je m’étais mise à l’aimer, moi. Il était si gentil, si gentil, et si bon. Il voulait que nous habitions ensemble tout à fait, par économie.