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MISTI.

Enfin je lui permis de venir chez moi, un soir. Je n’étais pas décidée à la chose, oh ! non, mais ça me faisait plaisir à l’idée que nous serions tous les deux une heure ensemble.

« Dans le commencement, il a été très convenable. Il me disait des douceurs qui me remuaient le cœur. Et puis, il m’a embrassée, madame, embrassée, comme on embrasse quand on aime. Moi, j’avais fermé les yeux, et je restais là saisie dans une crampe de bonheur. Mais, tout à coup, je sens qu’il fait un grand mouvement, et il pousse un cri, un cri que je n’oublierai jamais. J’ouvre les yeux et j’aperçois que Mouton lui avait sauté au visage et qu’il lui arrachait la peau à coups de griffe, comme si c’eût été une chiffe de linge. Et le sang coulait, madame, une pluie.

« Moi je veux prendre le chat, mais il tenait bon, il déchirait toujours ; et il me mordait, tant il avait perdu le sens. Enfin je le tiens et je le jette par la fenêtre, qui était ouverte, vu que nous nous trouvions en été.

« Quand j’ai commencé à laver la figure de mon pauvre ami, je m’aperçus qu’il avait les yeux crevés, les deux yeux !

« Il a fallu qu’il entre à l’hospice. Il est mort