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histoire

suis ni triste ni affligé de la mort de cet enfant, car il est au ciel ; mais je suis affligé d’avoir offensé celui qui a tout fait »[1].

Ces faits et un grand nombre d’autres, non moins extraordinaires, étonnèrent les sauvages, les convainquirent que le Père leur avait dit la vérité, et que les jongleurs étaient véritablement des imposteurs. Alors, ils refusèrent de les écouter, les méprisèrent, et les forcèrent bientôt d’abandonner leur infâme métier. Voici comment ils raisonnaient.

« La vie de notre Père », disaient-ils, « est bien différente de celle des jongleurs, et le Dieu qu’il adore a un pouvoir bien plus grand que celui de leurs madaôdos. Il faut bien que ce Dieu soit puissant, puisqu’il guérit si parfaitement les maladies les plus graves et les plus contagieuses, ce que ne sauraient faire les madaôdos des jongleurs. Il faut bien que ce Dieu soit grand et qu’il ait un grand esprit, puisqu’il fait que cet homme étranger entende et parle notre langue en deux ou trois mois. Il faut bien que ce Dieu soit bon et puissant, puisqu’il ôte à cet homme la crainte des maladies contagieuses, et lui donne une force suffisante pour se moquer des menaces des jongleurs. Cet homme est bien différent des jongleurs. Ceux-ci demandent toujours et ne recherchent que des peaux de loutre et de castor, celui-là ne demande rien et ne regarde pas même ces objets du coin de l’œil ; ceux-ci ne demeurent presque pas avec nos malades, celui-là y passe les jours et les nuits. Les jongleurs font bonne chère,

  1. Relations des jésuites, 1647. 55.