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histoire

desja ; je les porte à la dire dans leur travail, dans leurs cabanes, en marchant, allant bucher, mais surtout quand ils se sentent saisis de chagrin. Tous les airs de cette petite chanson spirituelle sont la pluspart joyeux et je vous avoue en passant que je croy n’en pouvoir trop faire pour les entretenir dans une grande joye spirituelle ; et d’abord que je les aperçois tristes, je les engage doucement à me dire le sujet de leur tristesse pour les consoler : souvent ils ne le scavent pas eux-mêmes, je donne bientôt à ceux là des sentimens de joye sur le bonheur qu’ils ont maintenant de servir Dieu et de connoistre J. C. Souvent cette tristesse vient du souvenir de leurs parens qu’ils ont laissés dans leur païs, je les porte à prier pour eux et leur donne espérance de les voir icy bons chrestiens comme eux »[1].

Ces sauvages étaient extrêmement sensibles aux insultes. Lorsque quelqu’un d’eux se laissait aller au chagrin, après avoir été insulté, le missionnaire lui représentait que, s’il voulait être bon chrétien, il fallait oublier et pardonner cette injure, parceque Jésus l’ordonnait, et il lui faisait répéter ces mots : « Je vous aime, mon Jésus, et ne voudrais pas vous offenser en me fâchant contre cette personne »[2]. Ce sauvage reprenait aussitôt sa gaîté ordinaire, et oubliait tout.

La plupart de ces sauvages menaient la vie la plus exemplaire ; quelques uns avaient même la conscience si timorée qu’ils manifestaient souvent à leur Père les plus grandes inquiétudes sur leur état, se considérant

  1. Relation du P. Jacques Bigot. 1684. 12, 13.
  2. Relation du P. Jacques Bigot, 1684. 14.