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des abénakis.

comme de grands coupables devant Dieu, tandis qu’ils n’avaient que des fautes forts légères à se reprocher. « Penses-tu, » lui disaient-ils, « que nous puissions nous rendre agréable à Jésus lorsque nous sommes si méchants ? Crois-tu qu’il nous pardonne lorsque nous le trompons si souvent dans la parole que nous lui avons donné de ne plus l’offenser »,[1] ? Ils poussaient leur scrupule si loin qu’ils n’ôsaient entrer dans l’église, disant qu’ils souillaient le lieu saint par leur présence. « Je réponds à ceux qui me donnent plus de peine là dessus, » dit le P. Bigot, « J. C. connoist la douleur que tu as de tes péchez, je connois comme tu aymes la prière, je ne voudrois pas te tromper, ny te cacher tes défauts, si je te voyois encore en péché. Je te le dis, en tant que me l’ordonne J. C., va, entre dans l’église ; prie y comme les autres, et n’omet rien de tout ce qui se fait pour la prière. Ils obéissent et reprennent leurs exercices de piété : — quelques uns ne laissent pas de venir à la charge quoyqu’effectivement je connoisse qu’ils soient dans une grande innocence de vie, et dans une horreur actuelle de ce qui peut tant soy peu offenser Dieu »[2].

Ces sauvages, étant naturellement colères, se laissaient quelquefois entraîner dans des mouvements violents ; mais ils le regrettaient aussitôt, et en éprouvaient une telle confusion qu’ils s’éloignaient de l’église, n’osant plus paraître devant leurs frères. Une sauvagesse très-vertueuse, du nom d’Agnès, s’étant un jour

  1. Relation du P. Jacques Bigot. 1684. 15.
  2. Relation du P. Jacques Bigot. 1684. 16.