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Page:Maurault - Histoire des Abénakis depuis 1605 jusqu'à nos jours, 1866.djvu/324

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histoire

coups et mourut couvert de gloire. J’ai vengé sa mort, et je l’ai assez vengée ». Il prononça ces dernières paroles avec force. Puis, se tournant du côté du soleil levant, il ajouta : « Jeune homme, regarde cette lumière glorieuse. N’éprouves-tu pas quelque plaisir à la contempler ? » — « Oui », répondit l’officier, « la vue du soleil levant me fait toujours plaisir. » — « J’en suis bien aise », dit le guerrier ; « mais pour moi il n’y a plus de plaisir en cela ». Puis, il cueillit une petite fleur des bois et la présenta au jeune homme en disant : « Éprouves-tu quelque plaisir en regardant cette plante ? » — « Oui, certainement, » répondit le jeune anglais. « Quant à moi », reprit le guerrier, « la vue de ces plantes ne me cause plus de plaisir, car la mort de mon fils m’a enlevé pour toujours tous les plaisirs d’ici-bas.

« Maintenant, jeune homme, je me rendrais doublement malheureux si je causais ta mort aujourd’hui, et je rendrais ton père malheureux comme moi. Ainsi, tu ne combattras pas contre tes frères. Je te rends ta liberté. Fuis donc immédiatement. Hâte-toi de retourner en ton pays. Va dissiper les inquiétudes de ton père et demeure toujours auprès de lui, afin qu’il puisse encore longtemps contempler avec bonheur le soleil levant, et voir avec plaisir les fleurs du printemps ».

Le jeune officier plein d’admiration pour les nobles sentiments de ce généreux sauvage, l’embrassa affectueusement, et s’enfuit vers sa patrie.

Ces traits admirables de gratitude et de générosité nous démontrent que les Abénakis n’étaient pas cruels