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Page:Maurault - Histoire des Abénakis depuis 1605 jusqu'à nos jours, 1866.djvu/539

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des abénakis.

gloutonnerie, et purent enfin satisfaire leur appétit, en savourant avec délices cette étrange nourriture. Les prisonniers se virent dans l’obligation de partager ce repas dégoûtant. Quoique la faim soit la meilleure des sauces, elle ne suffit pas cependant pour dissiper leur répugnance à la vue d’une pareille nourriture. Les enfants en mangèrent trop abondamment, et cette gloutonnerie leur fut funeste, car ils en furent malades pendant plusieurs jours.

Les sauvages, ayant entièrement réparé leurs forces par cette abondante nourriture, et voyant que leur malade était mieux, retrouvèrent tout-à-coup toute leur gaîté, et se livrèrent aux réjouissances. Ils chantèrent et dansèrent jusqu’à une heure fort avancée de la nuit. Quelques uns furent chargés de préparer les provisions pour les jours suivants, et passèrent la soirée à faire sécher et fumer la viande de cheval[1].

Madame Johnson, quoique bien mieux, passa la plus grande partie de la nuit sans dormir. Mille pensées se présentaient à son esprit et l’inquiétaient. Le cheval, qui l’avait portée pendant plusieurs jours, n’existait plus, et comment pourrait-elle continuer le voyage ? Elle ne connaissait pas les véritables intentions des sauvages à son égard, cependant elle les croyait décidés à mettre bientôt un terme à sa malheureuse exis-

  1. Les Abénakis ont encore l’habitude de faire sécher et fumer une partie de la viande des animaux qu’ils tuent à la chasse. Cette viande, coupée par morceaux fort minces, durcit beaucoup par l’action de la chaleur et de la fumée. Ainsi préparée, elle peut être conservée pendant une année entière. On la dépose dans la cabane sans trop de précaution, à peu près comme on le fait pour le bois destiné à entretenir le feu. Cette viande, quoique d’un goût peu exquis, forme une excellente nourriture dans les voyages.