Page:Maurice Joly - Les Affames - E Dentu Editeur - 1876.djvu/10

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

classe et de profession au nom des principes qu’elle avait proclamés, toute la masse sociale se trouva pour ainsi dire jetée dans l’arène. Il en résulta un spectacle plein de grandeurs, mais aussi plein de misères jusqu’alors inconnues.

Le prolétariat sortit du sein des corporations brisées, l’isolement universel devint la loi des individus qu’aucun lien de caste ne rattachait plus les uns aux autres ; le déclassement qui n’était que l’exception devint la règle, et avec le déclassement les horreurs secrètes de l’indigence professionnelle ; cette fatalité des temps modernes, aussi sombre que la fatalité antique.

Toutes les carrières furent ouvertes à l’ambition ; mais l’homme se trouva abandonné à ses propres forces, et les situations individuelles furent livrées à toutes les vicissitudes de la fortune ; le succès justifia toutes les prétentions ; mais le succès n’appartint qu’aux forts et les faibles furent un peu plus écrasés qu’auparavant.

On vit se former une société étrangement compliquée, où les haines et les passions de castes persistent, malgré la confusion de tous les rangs,