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de Balzac. Il se compara à Rubempré, à Rastignac, à tous ces héros de la Comédie humaine, qui avaient eu leur jour de triomphe et dont quelques-uns avaient conquis ce Paris qui ne les connaissait pas et les avait longtemps dédaignés.

Il avait apporté trois mille francs, son seul et unique patrimoine, le seul gage de son indépendance et de sa tranquillité pendant quelques mois, et des idées d’économie sévère, de vie stoïque traversèrent d’abord son esprit. Il résista pendant quelques jours aux tentations de toute espèce qui vinrent l’assaillir, en se rappelant les recommandations de son père ; mais Georges n’avait encore usé de rien, son tempérament jusqu’alors endormi éclata.

Ces spectacles qui parlent à l’imagination et aux sens, ces bals, ces concerts, ces boulevards où se coudoient toutes les classes de la société au milieu de harems ambulants, ces femmes parfois étrangement belles que l’on rencontre partout, toutes ces choses bruyantes, mouvantes, enivrantes que l’on voit à Paris. Toutes ces misères étincelantes, toutes ces fanges couvertes de fleurs et de parfums produisirent leur effet ordinaire sur un pauvre provincial qui n’avait jamais vu Paris.

Il se rua avec fureur dans des plaisirs qui ne pouvaient durer qu’un instant. Au bout d’un mois il lui restait moins de six cents francs. Il s’arrêta tout court, terrifié de son imprévoyance, sentant qu’il était perdu s’il faisait un pas de plus en avant.

Il fallait trouver une occupation de suite sous peine de se réveiller du jour au lendemain sans aucunes ressources.

Après s’être procuré au plus bas prix possible le ché-