Page:Maurice Joly - Les Affames - E Dentu Editeur - 1876.djvu/31

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tif mobilier dont il avait besoin pour ne pas tomber dans les horreurs d’un garni à vingt francs par mois, il se condamna à ne pas dépenser plus de quinze sous par jour jusqu’à ce qu’il eût trouvé un emploi.

Mais comment y parvenir ? Il n’avait pas la moindre relation à Paris et n’avait fait que des connaissances de bal ou de café qui ne pouvaient lui servir à rien. Étranger à toutes les petites habiletés à l’aide desquelles on se faufile dans le monde, ne pouvant se réclamer de personne, d’ailleurs timide et maladroit, il fut congédié de partout où il se présenta, avec des formules tantôt sèches et tantôt polies, mais invariables dans leur signification.

Il fut trop heureux, un beau matin, de trouver à copier des rôles chez un avoué et de tenir les écritures d’un confiseur. Saisi, enveloppé par l’indigence avant qu’il eût le temps de s’y préparer, il lui fallut marcher sous le fouet d’une nécessité inexorable à la recherche de tous les moyens de vivre.

Il fut successivement maître d’études, répétiteur de latin, répétiteur de droit, sans que la pauvreté desserrât ses étreintes.

Dès le collège, il avait montré un goût prononcé pour les lettres et il avait lu au hasard tout ce qui lui était tombé sous la main.

Il essaya de vivre de sa plume.

Ce fut une série de déboires plus amers encore, parce que son amour-propre reçut mille blessures cruelles. Le défaut de relations et de camaraderies lui ferma les portes du journalisme comme il lui avait fermé les portes des administrations publiques et des ministères.

Il lui fallut aller présenter bien bas, dans les petits et