Page:Maurice Joly - Les Affames - E Dentu Editeur - 1876.djvu/59

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res et je vous répondrai sans détour : Vous êtes le cheval de renfort à l’aide duquel je monte la côte, j’ai besoin de vous pour consommer l’opération comme vous avez besoin de moi pour sortir de l’abîme, je suis la main qui tient l’instrument, vous êtes le davier qui extrait la molaire.

― Et sans m’arrêter à vos métaphores, monsieur, quelle preuve donnez-vous, lui demandai-je, de la réalité des faits sur lesquels se base cette spéculation ?

― La seule preuve que je veuille vous donner en ce moment et la meilleure, dit ce gnome, c’est que je vous prêterai 20,000 fr., que vous ne trouveriez pas en ce moment au poids de votre chair sur la place de Paris, dès que nous serons d’accord sur les termes de notre traité, et voici des arrhes, trois mille écus seulement, dont vous devez avoir besoin. Ne me remerciez pas, vous m’humilieriez ; je ne fais rien pour rien, et vous demeurez mon otage.

― Et tu as pris cet argent ? dit Georges avec une vivacité dont il ne fut pas maître.

― Du tout ! répondit d’Havrecourt dissimulant par une bouffée de cigare une rougeur qui se dissipa rapidement ; pour qui me prends-tu ? J’ai congédié du bout du doigt les billets de mille francs qu’il avait déjà déposés sur ma cheminée, et je lui ai répondu froidement : Je réfléchirai.

― L’histoire est étrange, en effet, dit Georges Raymond qui recueillait son impression avant de la formuler.

― Voici maintenant le service que j’ai à te demander, continua Hector, il faut que je sache ce que c’est que ce forban.

― Tu as son nom, son adresse ?