Page:Maurice Joly - Les Affames - E Dentu Editeur - 1876.djvu/58

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toute envie de disputer sur les protocoles, et je lui répondis avec la même précision :

― Vous venez me proposer un marché. Quel prix y mettez-vous ?

― Un tiers de la dot, ou plutôt de la succession.

― De la succession ?… Je ne comprends pas.

― Je le crois sans peine, monsieur le vicomte. C’est là qu’est le mystère, hic jacet lepus ; et ce mystère, le voici : Mlle  de *** ne jouit de son immense fortune qu’en vertu d’un testament révoqué par un testament postérieur parfaitement en règle et dont nul ne connaît l’existence, pas même la légataire universelle, qui est une vieille fille vivant obscurément d’un bureau de tabac dans une sous-préfecture de 3,500 habitants.

― Et en quoi consiste la combinaison ? je ne saisis pas encore, dis-je à cet étrange personnage.

― La combinaison, la voici : j’achète les droits successifs de l’héritière et je vous les revends ; j’achète cinq cent mille francs et je vous revends deux millions cinq cent mille francs, soit sur une succession de quatre millions : un million pour moi, deux millions cinq cent mille francs pour vous, plus les charges de l’opération, que vous aurez à supporter.

― Tudieu ! quelle opération ! dit Georges Raymond qui méditait sur la valeur intrinsèque de cette combinaison ; quel joli coquin !

― Tu n’aurais peut-être pas manqué de t’indigner ? Je lui répondis tranquillement : Pourquoi, ayant acheté les droits successifs de l’héritière, ne les gardez-vous pas tout simplement pour vous ? L’affaire serait encore bien meilleure.

― Bien dit ! fit cet homme avec une inimitable expression de causticité. J’aime qu’on comprenne les affai-