« La voilà ! regarde-la, » dit le cheikh.
Halef fit longuement usage de la permission.
L’enfant pouvait avoir quinze ans ; elle était grande et forte comme une femme, avec de beaux yeux noirs et un visage régulier.
Elle ne parut point déplaire au petit Arabe.
« Comment t’appelles-tu ? demanda-t-il.
— Hanneh (Anna).
— Ton œil brille comme les feux de la lune, tes lèvres sont plus rouges que la grenade, tes cils ombragent tes joues comme la feuille de l’acacia ! Mon nom est Halef Omar, ben hadji Aboul Abbas, ibn hadji Daoud al Gossarah. Si je t’agrée, je suis prêt à remplir ton souhait. »
Les yeux de mon Halef brillaient non comme les rayons de la lune, mais comme ceux du soleil ; son langage s’imprégnait d’une poésie toute orientale ; je le voyais s’avancer tout au bord de ce précipice où avaient échoué son aïeul et son père, juste au moment d’accomplir leur pèlerinage : l’abîme du mariage allait-il l’engloutir, pour parler à sa manière ?
Cependant la jeune fille se retira, et son aïeul, se tournant vers Halef, reprit ses questions :
« Que dis-tu maintenant ?
— Demande à mon maître.
— Ton maître y a consenti.
— Très volontiers, affirmai-je ; mais, dis-moi, pourquoi l’as-tu choisi au lieu de t’adresser aux delyl de Djeddah ?
— Connais-tu Achmed-Izzet pacha ?
— Le gouverneur de la Mecque ?
— Oui, tu dois le connaître ; car tous les étrangers qui viennent à Djeddah se présentent devant lui pour lui demander sa protection.
— Alors il demeure à Djeddah ? Je ne suis point allé le trouver, je n’ai recours que le moins possible à la protection d’un Turc.
— Tu es un chrétien, mais tu es un homme ! »
La protection du pacha ne s’obtient qu’à très haut prix. Il n’habite point la Mecque, quoiqu’elle soit sous sa puissance. Il se tient à Djeddah, parce qu’il y a un port. Son titre de gouverneur doit lui rapporter un million de piastres ; mais il sait s’en procurer cinq fois autant. Tout le monde lui paye un droit, même