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les pirates de la mer rouge


atteignîmes une gorge étroite entre deux murailles de granit ; nous nous y engageâmes en resserrant notre ligne, et nous parvînmes à un plateau protégé par un amphithéâtre de rochers. La route que nous venions de suivre donnait seule entrée dans un lieu si bien choisi pour le campement. Les tentes furent dressées, les femmes allumèrent le feu, les préparatifs du repas commencèrent. On mit largement à profit les provisions enlevées aux pirates.

Comme je n’avais rien à faire, je m’éloignai pour explorer les environs du camp.

Je parvins à découvrir un endroit où les rochers offraient un peu moins d’escarpement ; m’aidant des pieds et des mains, je grimpai au sommet. Les étoiles brillaient, la nuit gardait cette demi-transparence si agréable en ces contrées… Je restai environ un quart d’heure sur la montagne, cherchant à m’orienter.

Vers le sud courait une ligne de roches nues, sombres, inégales, derrière lesquelles se dessina bientôt une lumière blanchâtre et artificielle : c’était la Mecque, réapparaissant aux feux du soir.

A mes pieds, les Ateïbeh se disputaient leur butin ; j’entendais leurs cris sauvages ; une sorte de dégoût me montait au cœur. Il me fallut faire un effort sur moi-même pour me décider à regagner le camp.

« Effendi, s’écria le chef dès que j’eus reparu, pourquoi n’étais-tu pas là ? Tu dois avoir ta part comme nous.

— Moi ! Je n’étais point avec vous au combat, je n’ai nul droit sur le butin.

— Aurions-nous découvert les Djeheïme, si nous ne t’avions pas rencontré ? Tu as été notre guide sans le vouloir ; à cause de cela tu peux choisir ce qui te plaira.

— Je ne prendrai rien.

— Sidi, je ne connais pas ta religion, je ne sais ce qu’elle défend ; d’ailleurs tu es mon hôte, je dois respecter tes scrupules ; mais je t’assure que tu te trompes en refusant une part qui t’est due. L’ennemi a été tué, le vaisseau n’existe plus ; faudrait-il brûler des objets qui peuvent nous enrichir ?

— Cheikh, nous ne saurions discuter là-dessus ; je t’en prie, garde ton butin.

— Non, je ne garderai point ta part ; permets que nous la joignions à celle de Halef, ton serviteur.