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les pirates de la mer rouge


qui commande cette paix est la vraie foi : telle est la religion chrétienne.

— La connais-tu ?

— Non ; mais un vieux Turc nous en a parlé autrefois ; il nous a raconté que vous disiez dans votre prière : « Pardonne-nous nos péchés comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés. » Est-ce vrai ?

— Oui.

— Et que, dans votre Coran, il est écrit : « Dieu est amour, et qui demeure dans l’amour habite en Dieu, et Dieu en lui. » Dis-moi, est-ce ainsi ?

— Oui, en vérité !

— Eh bien ! votre foi est belle, elle est vraie.

« Est-ce qu’un chrétien ravirait une jeune fille à sa famille ?

— Non ; s’il le faisait, il ne serait plus un vrai chrétien.

— Tu vois bien que ta religion est meilleure que la nôtre ! Chez vous, Abou Seïf ne m’aurait point enlevée pour me forcer à devenir sa femme. Connais-tu l’histoire de ce pays ?

— Oui.

— Tu sais alors comment les Turcs et les Égyptiens nous ont traités, quoiqu’ils professent la même croyance que nous. Tu sais comme ils ont insulté nos mères et fait empaler nos pères par centaines et par milliers ; comme ils ont brûlé les jambes et les bras de leurs victimes ; comme ils leur coupaient le nez et les oreilles, leur crevaient les yeux, déchiraient les enfants en présence des pères et des mères ! Je hais la religion de ces peuples, et pourtant il faut que je la pratique.

— Pourquoi le faut-il ? Tu pourrais…

— Tais-toi ! Je te dis ma pensée ; mais ne cherche point à me donner des conseils : je sais ce que je dois faire. Je veux me venger… oh ! oui, me venger de tous ceux qui m’ont offensée.

— Et tu admires la religion de la paix et de l’amour ?

— Oui ; mais puis-je ici être la seule qui aime et qui pardonne ? Ils ne veulent pas que nous entrions à la Mecque ; eh bien ! je me vengerai parce qu’ils nous ont bannis ! Devine comment ?

— Je ne sais ; parle.

— Ton grand désir, n’est-ce pas ? serait de voir la ville sacrée.

— Qui te l’a dit ?

— Moi seule. Réponds-moi !