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les pirates de la mer rouge

— Je désire, en effet, connaître toutes les villes remarquables qui se trouvent sur ma route.

— L’entrée de la Mecque est périlleuse pour nous deux ; mais, afin d’accomplir ma vengeance, je la tenterai avec toi. Es-tu disposé à te soumettre aux formalités prescrites ?

— Je préfère les éviter.

— Tu ne veux pas pécher contre ta foi, tu as raison. Va donc seul à la Mecque, je t’attendrai ici. »

Tout cela me paraissait étrange, inexplicable. Elle voulait se venger de l’Islam en faisant fouler le sol de la ville sainte par les pieds d’un infidèle. Elle admirait une religion de pardon qu’elle comprenait si peu. Devais-je profiter de ses dispositions ? J’étais si près de la Mecque ! parviendrais-je jamais à y entrer ? Je demandai :

« Est-ce bien près d’ici ?

— Tu vois cette montagne ? au bas, de l’autre côté, est assise la ville sainte. Laisse-moi ton chameau, tu iras à pied.

— Pourquoi à pied ?

— Si tu arrivais sur un chameau, on te prendrait pour un pèlerin et on te fatiguerait de questions ; à pied tu passeras pour un promeneur qui rentre en ville.

— Tu m’attendras ici ?

— Oui.

— Combien de temps ?

— Le temps que les Francs compteraient comme quatre heures.

— C’est bien peu.

— Songe qu’un rien pourrait te faire reconnaître ; il ne faut point t’attarder ; tu n’as qu’à suivre la rue, tu visiteras la Kaaba, cela te suffit. »

Elle avait raison ; je me décidai tout d’un coup, me levai et voulus prendre mes armes. La fille du cheikh m’arrêta du geste.

« Tu ressembles à un Arabe, dit-elle, mais un Arabe ne porte pas de telles armes ; prends les miennes. »

J’hésitai de nouveau. Quel motif aurais-je eu de me défier ? Je pris les armes de cette femme et gravis la montagne. Arrivé au sommet, la Mecque se dressa devant moi, à une demi-heure de chemin à peine. Elle s’étend sur un plateau entouré de montagnes chauves et arides. Je reconnus la citadelle du Djebel Chad aux descriptions qu’en ont faites quelques voyageurs ; j’aperçus les