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une bataille au désert


une tribu voisine et amie, où s’était célébrée une noce ; ils s’en retournaient enthousiasmés de la bonne réception qu’on leur avait faite, aussi bien que des divertissements auxquels ils avaient pris part.

Cependant le terrain s’accidentait de plus en plus, et nous gravissions une hauteur assez escarpée ; puis, parvenus au sommet, nous dûmes redescendre une pente fort raide. A droite, les ruines de l’ancienne Tékrit se montraient dans le lointain. À gauche, au fond de l’horizon, nous pouvions apercevoir le sommet du Djebel Kernina ; devant nous s’étendait la large vallée du Tigre. Encore une demi-heure de chemin et nous atteignions le fleuve. En cet endroit, l’eau devait présenter environ un mille anglais de largeur ; elle se divisait en deux bras pour entourer une île verdoyante, sur les prairies de laquelle je remarquai plusieurs tentes.

« Veux-tu passer le fleuve avec nous ? me demandèrent mes compagnons ; tu seras bien accueilli par notre cheikh.

— Et comment passerons-nous l’eau ?

— Tu vas le voir tout de suite, car on nous a reconnus de l’autre côté. Viens à l’endroit où aborde le kelleh. »

Un kelleh est une barque, ordinairement deux fois plus longue que large. Il est construit en peaux de chèvres tendues sur une carcasse de bois et cousues au moyen de petites cordes faites de boyaux. Des planches, placées en travers de l’embarcation, soutiennent le chargement et permettent aux rameurs de s’asseoir. Ce petit bateau marche avec deux rames en bambous, reliées par des lanières de cuir ; cinq ou six hommes peuvent aisément se tenir dans cette sorte d’embarcation.

Je montai, en compagnie de mes cinq conducteurs, sur le kelleh ; nous abordâmes bientôt sur l’autre rive, où une foule d’enfants, quelques chiens et un vieil Arabe d’un aspect fort vénérable vinrent au-devant de nous. Le vieil homme était le père de mes guides ; il me reçut bien.

« Permets que je te conduise au cheikh, » me dit celui des jeunes gens qui jusque-là avait presque toujours porté la parole.

Sur notre route nous rencontrâmes plusieurs Arabes qui se tinrent modestement en arrière, sans m’adresser la parole ; tous semblaient regarder mon cheval avec admiration. Nous n’allâmes pas bien loin ; la demeure du chef, établie près du rivage, était