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une bataille au désert

Ils m’avaient interrogé, je pouvais donc leur rendre la pareille sans manquer à la politesse d’usage.

Je leur demandai :

« À quelle tribu appartiennent ces troupeaux ?

— À la tribu des Abou Mohammed.

— Et dans les environs, ne se trouve-t-il pas d’autres races ?

— Si ; en aval du fleuve sont les Alabeïde, qui payent un droit au chef de Kernina ; en amont, les Djouari.

— À qui ceux-ci payent-ils le tribut ?

— On voit que tu viens de loin ! Les Djouari ne payent le tribut à personne ; ce sont eux qui lèvent l’impôt sur qui ils peuvent, car ils sont voleurs et pillards. Nos troupeaux doivent être bien gardés, sans quoi ils ne nous en laisseraient pas une seule tête. Si tu veux te battre, viens avec nous, car nous leur faisons la guerre.

— Vous leur faites la guerre ?

— Oui, nous nous sommes joints aux Alabeïde. Si tu désires combattre, l’occasion est bonne, tu apprendras la guerre chez nous. Mais pourquoi as-tu dormi ici, sur la colline du lion ?

— Je ne connaissais pas ce lieu ; j’étais fatigué, je me suis reposé là, et j’ai dormi.

— Allah kérim ! tu es un favori d’Allah, autrement le dévastateur des troupeaux t’aurait mis en pièces. Aucun homme du pays ne s’arrête en cet endroit la nuit, car les lions tiennent leur assemblée autour de cette pierre.

— Est-ce qu’il y a des lions dans la contrée ?

— Oui, en aval du fleuve ; plus haut on ne trouve que des léopards. Viens-tu avec nous ?

— Me traiterez-vous en hôte ?

— Tu l’es ; tends-nous la main, échangeons les dattes. »

Nous plaçâmes nos mains l’une sur l’autre, de manière que les paumes se touchassent, puis ils me donnèrent chacun une datte ; je leur en remis cinq, et nous les mangeâmes en tenant nos mains unies ; cette cérémonie dut se répéter cinq fois avec beaucoup de gravité ; après quoi nous nous mîmes en route. Nous dépassâmes bientôt le Thathar, et le pays commença à devenir montueux.

Je reconnus sans peine dans mes compagnons de braves gens des tribus nomades ; ils me parurent d’une candeur toute primitive et vraiment incapables de tromperie. Ils venaient de visiter

Les Pirates de la mer Rouge.
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