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sur les bords du nil

J’examinai curieusement le lieu où m’avait laissé Abrahim, C’était une pièce meublée à peu près comme celle où on recevait les hôtes, avec un divan, une barrière, une niche sculptée, au fond de laquelle gazouillait un petit jet d’eau.

Bientôt l’Égyptien rentra et me demanda :

« Eh bien, as-tu découvert quelque chose ici ?

— Oui, je te le dirai quand nous serons près de la malade.

— Allons, Effendi, entrons ; encore une fois, souviens-toi de mes recommandations.

— Sois tranquille… »

Au fond de la chambre qu’Abrahim se décida à m’ouvrir, j’aperçus, appuyée contre le mur, la forme d’une femme soigneusement voilée et couverte de longs vêtements. Quand je dis forme, c’est faute d’un autre mot, car on ne voyait rien d’humain sous cet amas d’étoffe, si ce n’est un petit pied chaussé seulement du bout par des pantoufles de velours.

Je commençai mes questions, qui ne durent blesser en rien la susceptibilité du musulman ; je priai la malade de se mouvoir un peu ; enfin je lui demandai de me tendre la main. Malgré la gravité de la situation, j’avais envie de rire : la main était enveloppée d’un linge épais, de manière qu’on ne vît pas même la forme des doigts ; le bras était également bandé.

« Mamour, dis-je en me tournant vers l’Égyptien, je ne puis sentir le pouls sous ces enveloppes.

— Enlève la bande ! » ordonna mon hôte.

La femme obéit ; je vis alors une main délicate. À l’un des doigts brillait un mince cercle d’or terminé par une perle de la plus grande valeur.

Je pris le bras entre le pouce et trois doigts, puis je me penchai pour écouter le pouls en même temps que je le tâtais. Abrahim ne perdait de vue aucun de mes mouvements. Alors j’entendis, non, je ne me trompais pas, la voix était si basse pourtant !… j’entendis ce murmure ; Kourtar Senitzayi ! « Sauve Sénitza ! »

« As-tu fini ? demandait Abrahim avec impatience, en se rapprochant de moi.

— Oui.

— Eh bien ! qu’a-t-elle ?

— Elle a une grande… une très grande maladie, une maladie presque impossible à guérir. N’importe, je la sauverai ! »