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sur les bords du nil


me pardonnerait pas d’avoir pénétré les secrets de sa demeure, d’autant que cet homme se sentait animé déjà d’une étrange haine contre moi.

Abrahim cependant s’éloigna un instant pour préparer mon entrée ; il tenait à ce qu’aucun de ses gens ne pût soupçonner ce qui allait se passer. Malédiction sur lui, si un seul de ses domestiques devinait la présence d’un étranger dans l’appartement des femmes !

Lorsqu’il rentra, son visage était empreint de résolution et aussi de rancune ; ses lèvres serrées, son regard fuyant, la contrainte de son geste trahissaient ce qu’il devait souffrir.

« Viens, dit-il, tu vas la voir. Je te permets beaucoup, Effendi. Mais par la félicité des cieux, par les tourments de l’enfer, je te le jure, si tu prononçais une seule parole, si tu faisais un seul mouvement qui pût me déplaire, jamais tu ne repasserais ce seuil) Tu es fort et bien armé, mais mon poignard aurait raison de toi, ou d’elle, si tu me résistais. Je te le jure par toutes les sourates du Coran, par tous les califes, dont Allah daigne bénir la mémoire !

— Es-tu prêt ? lui demandai-je avec calme.

— Oui, viens ! »

Je le suivis. Nous traversâmes un espace en ruines et tout entouré de débris de murs, dans lesquels les oiseaux de nuit faisaient leur demeure ; nous traversâmes une sorte d’antichambre, enfin nous pénétrâmes dans l’appartement des femmes. Çà et là, des objets de toilette ou d’amusement témoignaient des habitudes de celles qu’on renfermait en ce lieu. Abrahim me dit avec un sourire à demi railleur :

« Voilà les chambres que tu désires voir ; regarde, crois-tu que le démon de la maladie puisse s’y cacher ?

— Mais ce n’est point encore la chambre de la malade.

— Non, je vais t’y introduire ; auparavant laisse-moi m’assurer si elle a caché le soleil de son visage à tes yeux. Ne cherche point à me suivre maintenant ; attends en paix que je vienne t’appeler. »

C’était donc là qu’habitait Guzela, c’est-à-dire la belle. Toutes les circonstances de mon introduction me faisaient revenir de ma première supposition : cette femme ne devait point être âgée.