Page:Mechnikoff - La civilisation et les grands fleuves historiques.djvu/136

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cher à des modifications géologiques et climatiques du milieu ; pas plus que les destinées des peuples, les différentes régions de notre planète ne restent immuables sous la marche pesante des siècles : l’épiderme terrestre n’a donc pu se maintenir sans altération à travers les âges. Du golfe Latmique, par exemple, il ne demeure qu’un lac[1] insignifiant, entouré de marais pestilentiels, et sans communication avec la mer : le reste a été comblé par les alluvions du Méandre, probablement aidées d’un exhaussement du sol. Milet, qui lui devait sa grandeur, Milet, la glorieuse capitale de la fédération ionienne, est réduite aujourd’hui au misérable hameau de Palatia.

Si pourtant les modernes habitants de Milet étaient encore animés de cet esprit qui, jadis, créa leur Thalès et leur Anaximandre, ils auraient, d’abord, opposé aux commotions lentes, mais irrésistibles du sol, cette même énergie que leurs prédécesseurs déployèrent contre Alexandre ; vaincus dans cette lutte, il leur serait resté la ressource de transporter ailleurs leurs pénates et leur gloire : les golfes à courbe heureusement dessinée ne manquent pas dans le voisinage ; mais le « pouls de l’histoire » avait cessé de battre dans cette artère avant que l’eussent comblée les boues de l’Akistchaï. Ostie, l’antique port de Rome, était, déjà sous Auguste, repoussée dans les terres par les apports

  1. Ce lac, le Kapikeren-denizi ou Akis-tchaï, est à 29 mètres au-dessus du niveau de la mer.