Page:Mechnikoff - La civilisation et les grands fleuves historiques.djvu/22

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quelques heures aux paquebots pour franchir des distances où les navires d’Ulysse erraient pendant des années et que, sur des plages sablonneuses, inaccessibles jadis, on peut créer des ports en eau profonde, plus commodes, mieux outillés que les ports naturels à grèves basses et à fonds boueux. Ainsi le milieu n’exerce pas comme tel une influence fatale et toujours la même. On en voit un exemple saisissant dans les plaines qu’arrosent le Tigre et l’Euphrate. Là où des populations civilisées savaient endiguer, canaliser les eaux et semer le grain que la nature leur rendait au centuple, les Arabes venus du désert, où ils ne voyaient que des sables et de maigres plantes broutées par les chameaux, cherchent de leur mieux à reproduire autour d’eux, en pleine Mésopotamie, l’aspect de la nature à laquelle ils sont accoutumés : ils coupent les arbres, laissent l’eau d’inondation se perdre dans les marais, et les dunes se dérouler sur les anciennes cultures. Ce n’est pas dans le milieu même qu’il faut chercher la raison d’être des institutions et de la civilisation d’un peuple, mais dans les rapports d’accommodation que présente ce peuple avec les phénomènes de la nature ambiante. Dans ces rapports, qui sont la civilisation tout entière, l’homme apprend deux choses, d’ordre contradictoire en apparence : d’une part, il se dégage de la domination absolue de certaines conditions du milieu, trouve par exemple