Page:Mechnikoff - La civilisation et les grands fleuves historiques.djvu/247

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abyssinien, les pluies tropicales sont sujettes à bien des variations ; si elles dépassent de beaucoup la moyenne, les eaux montent précipitamment, emportant les habitations et les hommes. Certes, dans tous les pays de culture, les mauvaises années alternent plus ou moins avec les bonnes, mais nulle part le contraste ne saurait être aussi affreux que dans cette verdoyante vallée du Nil, où de si nombreuses populations se trouvent sur un territoire uniforme, auquel le désert sert de toutes parts de limites[1].

Mais, sans nous arrêter davantage sur ces écarts funestes, qui, heureusement, sont toujours exceptionnels, examinons les crues du Nil sous leur aspect le plus favorable : la terre de Ménès apparaît sur la scène universelle comme une Minerve sortant de la tête de Jupiter, armée déjà de presque toutes les inventions techniques spontanément réalisées par elle, mais surtout possédant une organisation sociale déjà très compliquée. Pour apprécier les avantages naturels d’un milieu si particulièrement favorisé par l’histoire, les monuments, si antiques qu’ils soient, ne sauraient nous être d’une grande utilité : il faudrait nous représenter la vallée du Nil telle qu’elle s’offrait à ses premiers occupants, et non telle que l’a faite le travail accumulé de tant de générations obscures, antérieures à l’éclosion du despotisme

  1. Fr. Lenormant, W. Reade, ouv. cités. Ce dernier auteur me semble exagérer le rôle qu’ont pu jouer les années désastreuses dans l’histoire de la vallée du Nil.