Page:Mechnikoff - La civilisation et les grands fleuves historiques.djvu/68

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habitables, l’homme, dans ces milieux, arrive-t-il sans peine à réaliser « ces groupements anarchiques » bien supérieurs aux formes coercitives et subordonnées, et que les plus avancés d’entre les Européens pourraient envier aux tribus berbères de l’Afrique. On comprend que l’histoire se désintéresse de ces peuples : occupant des milieux aussi privilégiés, ils ont résolu à peu de frais d’intelligence, d’énergie et de culture, le problème fondamental de nos annales ; plus heureux peut-être que les autres nations, ils n’ont, par cela même, rien à léguer à la postérité.

Mais il y a d’autres milieux — et l’histoire s’attache de préférence à ceux-là — qui ne deviennent habitables que par une coordination savante et compliquée de forces nombreuses et hétérogènes, concourant vers une fin dont la grande majorité des intéressés ne comprend même pas la portée. Ici, le degré nécessaire de solidarité ne pouvant être obtenu d’emblée d’un concours spontané et libre, on voit le groupement humain débuter par une des formes sociologiques les plus grossières, analogue à ces colonies rudimentaires de plastides, de cellules que réunit un lien imposé, extérieur et mécanique : je veux parler du despotisme à outrance. Une fois introduit dans l’histoire par cette action spécifique d’un milieu réfractaire aux efforts « anarchiques » de ses occupants, le despotisme prospère et s’épanouit ; plus tard, se survivant en vertu de la force acquise, il ne recule que pas à pas, et après des