Page:Meilhac et Halévy - Théâtre, VII.djvu/445

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JOSÉ.

Attends un peu, Carmen… rien qu’un moment… arrête.

CARMEN.
Et pourquoi, s’il te plaît ?
JOSÉ.
Et pourquoi, s’il te plaît ? Il me semble, là-bas…

Oui, ce sont nos clairons qui sonnent la retraite :
Ne les entends-tu pas ?

CARMEN.
Bravo ! j’avais beau faire… il est mélancolique

De danser sans orchestre… et vive la musique
Qui nous tombe du ciel !

Elle recommence à fredonner son air qui se rythme sur la retraite sonnée au dehors par les clairons ; elle se remet à danser et José se remet à la regarder. La retraite approche… approche… approche… passe sous les fenêtres de l’auberge… puis s’éloigne… Le son des clairons va s’affaiblissant. Nouvel effort de José pour s’arracher à cette contemplation de Carmen. Il lui prend le bras et l’oblige encore à s’arrêter.
JOSÉ.

Tu ne m’as pas compris… Carmen, c’est la retraite…
Il faut que moi, je rentre au quartier pour l’appel.

Le bruit de la retraite cesse tout à coup.
CARMEN, regardant José qui reprend sa giberne et rattache le ceinturon de son sabre.

Au quartier !… pour l’appel !… J’étais vraiment bien bête !
Je me mettais en quatre et je faisais des frais
Pour amuser monsieur, je chantais, je dansais…
Je crois, Dieu me pardonne,
Qu’un peu plus, je l’aimais…
Ta ra ta ta ! c’est le clairon qui sonne !
Il part ! il est parti !…
Va-t’en donc, canari !
Avec fureur, lui envoyant son shako à la volée.
Prends ton shako, ton sabre, ta giberne,
Et va-t’en, mon garçon, retourne à ta caserne !

JOSÉ.
C’est mal à toi, Carmen, de te moquer de moi :

Je souffre de partir… car jamais, jamais femme,