Page:Mendès - La Légende du Parnasse contemporain, 1884.djvu/59

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au moment où il s’y engageait, un homme s’approcha de lui et lui demanda le prix du passage, car alors on payait encore pour passer le pont d’Asnières. Péage médiocre : un sou. Mais Glatigny n’avait pas ce sou ! non, dans aucune poche ! pas un sou. D’abord, il fut sur le point de rire. Puis il songea qu’il était attendu à Paris, que s’il n’arrivait pas à temps avec les deux louis, la misérable morte ne serait pas enterrée. Ah ! ce sou qui manquait, un sou ! c’était une chose bouffonne et c’était une chose horrible. Giatigny se figurait les croquemorts assis sur l’escalier, attendant, ayant reçu l’ordre de ne pas faire leur besogne avant d’avoir reçu l’argent, et il voyait son ami, le veuf, l’abandonné, l’accusant d’avoir manqué à sa parole et s’arrachant les cheveux. Tout cela pour un sou ! Et le temps pressait. S’il ne continuait pas son chemin tout de suite, il arriverait trop tard. Il perdit la tête, il n’osa pas prier l’homme du pont de le laisser aller pour rien. Peut-être n’y songea-t-il pas. Il regardait autour de lui. Il était tenté de demander l’aumône aux rares gens qui passaient. Il y avait bien un moyen : gagner le long de la Seine le pont de Courbevoie