Page:Mercure de France, t. 77, n° 278, 16 janvier 1909.djvu/88

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MËRCVRE DE FRANCK— 16-1-1909 — Vous conservez donc, dit-il, cette femme de mauvaise vie ? Je suis persuadé que M. Binet pense comme moi. Il la trouve certainement, lui aussi, horrible. Je déclare, de plus, que cette statuette est immorale par son immodestie. — Mon cher abbé, répondit M. de La Musardière, si vous êtes allé à Rome, vous avez pu en voir de pareilles, à chaque pas, jusque dans les jardins du Vatican. — C’est vrai, mais celles qui ne sont point revêtues d’un caleçon de zinc portent au moins une feuille de vigne artifi­ cielle, indiquant ce qu’il est bienséant de cacher. Cela suffit à enseigner le sentiment de la pudeur à l’homme et à la femme, tandis qu’une telle œuvre encourage la dépravation. Je pré­ tends que c’est là un exemple déplorable, sans compter le trouble qu’une pareille nudité peut provoquer dans les âmes innocentes. — Mon cher abbé, vous êtes un saint, dit le comte, mais vous exagérez. 11 est seulement déplorable,je vous l’accorde, que des nudités soient exhibées dans les journaux, qui vont à la foule ignorante, mais ici, nous sommes entre gens intel­ ligents. Binet se leva, et se disposa à prendre congé. Cela fâcha l’abbé. — Est-ce -moi, monsieur le maire, dit-il, qui suis cause de votre départ ? Si je le soupçonnais, je me retirerais. Binet protesta. Il devait se trouver à trois heures et demie à la mairie ; il n’était que temps, pour lui, de se dérober au plaisir d’une si agréable compagnie. XIII Mu«Lucile de La Musardière éprouvait une profonde douleur de ne pouvoir épouser Fouilloux. Elle en vint, bientôt, à i.e plus même apparaître aux repas. C ’est à peine si M. de La Musardière prêtait attention à l’absence de sa fille. M . l’abbé Picquenet admirait du moins cette fermeté. Elle témoignait que, dans cette maison, régnait l’autorité paternelle. M “ * de La Musardière appelait « petit chagrin » les douleurs d’a ­ mour, et elle donnait, de droite et de gauche, quand elle en parlait, de petits coups d’éventail, pour indiquer qu’on les devait chasser comme des mouches gênantes. M,,eChristine de La Musardière, toute au bonheur de songer