Page:Mercure de France - 1816 - Tome 68.djvu/118

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ment dans toutes ses actions. Une pensée subite paraît l’avoir entraîné. Franck, qui dès le matin était retourné auprès de milady Churchill, écrit deux jours après, qu’à peine il était arrivé, qu’une véritable maladie a attaqué sa santé et qu’elle vient d’y succomber.

Toute la société d’Highbury se trouve désorganisée par l’absence des uns, la mauvaise humeur des autres, par le deuil que M. Weston prend à cause de la mort de sa belle-sœur et par la maladie de la belle Fairfax. La jolie Henriette a aussi un air très-grave, et paraît à Emma devenir pensive, d’où elle conclu lumineusement que sa protégée craint de perdre Franck, devenu indépendant par la mort de milady Churchill, héritier d’un titre, et dont la fortune sera évidemment considérable. Emma se flatte cependant de conduire tout avec tant de dextérité, que les événemens auront une issue favorable.

L’incommodité de Fairfax semble devenir plus grave ; Emma en est touchée et redouble d’empressement ; elle lui fait des visites qui ne sont pas reçues ; elle lui écrit pour lui offrir d’aller la prendre en voiture pour se promener dans la campagne, car elle a appris que son médecin lui avait recommandé de faire quelqu’exercice. La réponse à ce billet affectueux, est un refus laconique et d’une sécheresse désobligeante. D’autres faits prouvent à Emma que Fairfax ne veut lui avoir aucune espèce d’obligations ; elle en gémit, et voudrait que M. Knightley, dont l’estime lui est précieuse, n’eût pas été absent ; il aurait pu juger combien elle avait fait d’efforts pour réparer ses inconséquences.

Elle est donc satisfaite de sa conduite et croyait n’avoir plus qu’à penser aux amours d’Henriette, lorsqu’elle voit entrer M. Weston qui la supplie d’un air mystérieux de se rendre près de sa femme à Runsdall. Elle le suit, vainement l’accable-t-elle de questions ; elle est certaine qu’il a un secret, mais elle ne peut en obtenir la moindre révélation. Arrivés à Runsdall, le premier soin de M. Weston est de la laisser seule avec sa femme. Celle-ci est abattue ; sa figure décomposée montre qu’elle éprouve un grand tourment d’esprit.