Page:Mercure de France - 1816 - Tome 68.djvu/117

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elle une extrême agitation. Franck tâche de paraître gai, et ne l’est véritablement point. On se résout cependant à faire le lendemain une visite au paysage de Box-Hill. Tout se réunissait pour rendre cette partie très-agréable… En arrivant on s’extasia sur la beauté du lieu, mais la journée ne tint point ce qu’elle avait annoncée ; on remarquait une langueur, un défaut d’union qu’il fut impossible de vaincre. Franck, d’abord taciturne et maussade, se fit ensuite une étude d’amuser Emma exclusivement ; elle s’y prêtait, et tout le monde l’accusa d’être coquette. Knightley marque son mécontentement ; une espèce de discussion et de mésintelligence paraît s’élever entre Fairfax et Franck ; Emma devient satirique ; l’humeur gagne, chacun remonte dans sa voiture, mécontent, ennuyé, ce qui arrive assez souvent dans ces parties préméditées, dont on a dit, plusieurs jours d’avance : Comme nous nous y amuserons bien. En effet la gaîté fuit tout empire, et craint les apprêts. Le retour fut triste pour Emma, car au moment où elle remontait dans sa voiture, le véridique Knightley lui retraça fortement tous les torts qu’elle avait eus pendant la journée.

C’est sur-tout contre la bonne Mlle Bates qu’elle avait montré son esprit mordant ; elle se résout donc à réparer sa faute dès le lendemain, en lui faisant une visite. Les travers d’Emma n’attaquent pas son cœur ; mais dans le cours ordinaire de la société, il est plus souvent nécessaire d’avoir un bon esprit qu’un bon cœur. Elle effectue son projet ; Emma trouve Fairfax malade et Mlle Bates triste, car sa nièce cédant tout à coup aux importunités de la protection de Mme Elton, s’est résolue à accepter une place d’institutrice qu’elle lui avait procurée, et doit partir sans délai.

Mlle Woodhouse, en rentrant à Hartfield, voit M. Knigthley, dont elle reçoit un accueil très-affectueux, car il sent qu’elle a profité de ses avis, et que sa visite à Mme Bates est une espèce d’excuse de la conduite de la veille ; il lui apprend qu’il part à l’instant pour Londres, et prenant Emma par la main, il se sépare d’elle avec une rapidité plus grande que celle qu’il met ordinaire-