Page:Mercure de France - 1816 - Tome 68.djvu/61

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criminelles, car d’une part le cadre de l’auteur n’en comporte pas de pareilles, mais on trouble la société, on fait du mal à tout ce qui nous entoure ; quand on réfléchit ensuite, que le cœur est sensible et l’esprit délicat, on est mécontent de soi, et combien alors on se trouve malheureux ; telle est Emma.

M. Woodhouse est trop occupé d’éviter un rhume, pour se livrer à de grands intérêts. Son caractère dramatique est parfaitement conservé, et si bien que c’est lui qui donne d’une manière inattendue l’heureux dénouement des petites aventures d’Emma.

Le grand malheur de celle-ci était donc de trop présumer d’elle-même… Son premier chagrin fut de se séparer de Mlle Taylor, qui se marie à M. Weston, homme d’un excellent caractère, qui a des manières agréables, un âge convenable, et une fortune compétente. Les regrets de la séparation sont d’autant plus vifs, que Mme Weston les méritait.

Emma demeure à Highbury, grand village, et même presque ville ; M. Woodhouse qui n’a pas la moindre force de corps ni d’esprit, ne cesse de regretter Mme Weston. Emma ne voit les ridicules de son père que pour les réparer, elle les rejette sur son état vaporeux, et il est tel que les pas de ses promenades d’été et d’hiver sont calculés ; il les parcourt suivant l’état du ciel, qu’il observe soigneusement.

Mme Weston demeure à Runsdall, terre que son mari a achetée de ses profils dans le commerce, il a pu en se mariant ne pas chercher la fortune. Sa première épouse lui a laissé un fils nommé Franck Churchill. Le jeune homme a été adopté par son oncle maternel, un Churchill. À l’époque du second mariage de son père, Franck est majeur, vit chez son oncle qui, n’ayant point d’enfans, lui a fait prendre son nom. Milady Churchill aime passionnément le neveu de son mari, et c’est par là seulement qu’elle a un rôle soutenable ; car cette femme, toujours se plaignant d’être malade, est insupportable à tout le monde. Ses capricieuses volontés se succèdent si vîte, qu’elle en a toujours quelqu’une en réserve à opposer aux désirs des autres, et comme elle est riche,