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Le n° 25 comprend cinq pièces de l’écriture de Baudelaire (9 pages in-8o ou in-4o), qui se décomposent comme suit :

1o Une chanson de croque-mort ;

2o Une copie d’une lettre de Champfleury ;

3o Une copie d’un jugement de Proudhon sur l’Art ;

4o Le plan d’un article sur Gustave Courbet ;

5o Un article (incomplet) sur le livre de Jules Janin : Le Gâteau des Rois.

Nous avons retrouvé ce dernier article dans un livre publié à Londres il y a douze ans et tiré à un petit nombre d’exemplaires. L’auteur est Arthur Symons, poète anglais et traducteur des œuvres de Baudelaire et de Verlaine. Il avait acheté l’article de Baudelaire (trois pages sur papier à lettre) le 26 janvier 1917. Au commencement de la première page se lisent les mots suivants, presque effacés : Remplacez les blancs

M. Symons ne donne en texte original français que le premier paragraphe et la dernière ligne ; le reste est traduit par lui en anglais ; nous avons tenté de remettre en français sa version.


Pour donner immédiatement au lecteur non initié dans les dessous de la littérature, non instruit dans les préliminaires des réputations, une idée première de l’importance littéraire réelle de ces petits livres gros d’esprit, de poésie et d’observation, qu’il sache que le premier d’entre eux, Chien-Caillou, « fantaisie d’hiver », fut publié en même temps qu’un petit livre d’un homme très célèbre qui avait eu, en même temps que Champfleury, l’idée de ces publications trimestrielles.

Or, pour ces gens dont l’intelligence, appliquée journellement à l’élaboration des livres, est la plus difficile à satisfaire, le travail de Champfleury éclipsait celui de l’homme célèbre. Tous ceux dont je parle ont connu Le Gâteau des Rois. Leur métier est de tout connaître. Le Gâteau des Rois, une sorte de Christmas Book, ou Livre de Noël, montrait surtout une prétention nettement affirmée de tirer de notre langue, par le jeu des infinies variations du dictionnaire, tous les effets qu’un virtuose hors ligne tire de son violon. Confusion des genres, erreur d’un esprit mal équilibré ! Les idées, dans ce livre étrange, courent l’une après l’autre hâtivement, s’élancent avec la rapidité du son, s’appuyant par-ci par-là sur des rapports infiniment ténus ; leur association dépend d’un fil, selon une méthode de penser analogue à celle d’une maison de fous.