Page:Merezhkovsky - Tolstoï et Dostoïevski, la personne et l’œuvre.djvu/16

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montre dans des travers, dans des tares qui, d’abord, lui répugnaient, les coefficients nécessaires d’une œuvre de vie et de progrès.

Le temps n’est pas encore venu, mais il approche, où les Sem et les Japhet, où ceux qui représentent l’avenir de l’humanité ne jetteront pas de manteau sur la nudité de tel grand ancêtre qui aura assuré les destinées de la race aux jours des cataclysmes, qui lui aura bâti une arche, un refuge contre le déluge de la barbarie triomphante ou celui, bien plus redoutable, de l’universelle platitude, et lui aura fait présent ensuite d’une boisson généreuse d’où vient parfois l’ivresse, mais d’où vient aussi le réconfort, l’énergie et la joie de vivre. Quand ces Sem et ces Japhet auront compris que le père, en se dépouillant de tout dehors majestueux, de tout aspect respectable, de toute dignité, n’a fait que subir la loi d’action et de réaction en vertu de laquelle chaque essor est précédé d’un recul, quand ils auront compris que le vin cuvé par Noé va désaltérer le monde, son attitude ne sera plus honteuse à leurs yeux, sa nudité leur paraîtra auguste et sacrée. Au lieu de la dissimuler, ils se recueilleront devant elle dans un mouvement où le trouble et la répugnance seront bien vite remplacés par un respect plus profond et arrivant jusqu’à la piété, jusqu’à l’adoration. Et celui qui sera voué non seulement à la honte et au mépris, mais encore à la déchéance et à l’anéantis-