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ARA

Portugal. Lors de la création de l’académie des sciences de Lisbonne, le duc de Lafòes, son véritable fondateur, y fit admettre Araūjo, qu’il ne cessa de protéger pendant tout le cours de sa vie. Nommé ministre de Portugal à la Haye en 1789, Araūjo. avant de se rendre à sa destination, parcourut en observateur éclairé l’Angleterre et la France, et forma des liaisons avec des personnes d’un mérite distingué, qui le mirent à même de juger sainement la marche et les suites de la révolution qui éclatait en France et la politique future du cabinet anglais. Convaincu dés lors que le Portugal devait rester étranger à la lutte qui allait s’engager, il s’efforça constamment de faire observer par sa cour la plus stricte neutralité. Cependant la guerre étant survenue entre la république française et l’Espagne en 1793, le cabinet portugais, se laissant entraîner par la double influence de l’Angleterre et de l’Espagne, consentit à envoyer en Catalogne un corps de troupes auxiliaires commandé par le général sir James Forbes, Anglais d’origine, sans toutefois déclarer la guerre à la France, qui, de son côté, ne commit aucun acte d’hostilité contre les possessions ou le commerce portugais. La paix de Bâle, en août 1795, ayant mis fin à la guerre entre l’Espagne et la France, le corps auxiliaire revint en Portugal. l’opinion d’Araūjo, appuyé par le ministre Seabra et le duc de Lafòes, fut alors que le Portugal devait se maintenir dans la plus exacte neutralité ; mais les autres membres du conseil, dévoués au cabinet anglais, commencèrent les hostilités par la prise d’un bâtiment français aux îles Açores. La république en tira une cruelle vengeance ; ses croiseurs firent éprouver aux négociants portugais une perte de plus de 400 millions de francs, tandis que les vaisseaux mal équipés que la cour de Lisbonne envoyait dans les ports anglais ne furent pas même employés par un allié qui n’en avait aucun besoin. Les succès des armes françaises, et surtout les réclamations des négociants et des armateurs, forcèrent ensuite le régent à écouter les représentations réitérées de Seabra et du duc de Lafòes, et il fut décidé que d’Araūjo se rendrait à Paris pour y négocier la paix. Cette résolution ne fut point communiquée au ministre des affaires étrangères Pinto, ni aux autres membres du cabinet. D’Araūjo, par suite des rapports qu’il avait su établir avec des hommes influents à Paris, se croyait assuré d’obtenir une paix honorable et qui ne blesserait toutefois en rien les intérêts de l’Angleterre. Arrivé à Paris au commencement de l’été de 1797, le chevalier d’Araūjo sut inspirer de la confiance, et ne rencontra pas d’obstacle sérieux a sa négociation avec Charles Lacroix, alors ministre des relations extérieures. Le directoire, pour se populariser, avait besoin de se montrer pacifique, et quoique la guerre avec le Portugal fût loin de porter préjudice à la France, il pensait que la présence dans la capitale d’un nouveau membre du corps diplomatique ajouterait à l’éclat de son pouvoir. Le traité définitif fut signé le 17 aoùt17tl7, et il devait être ratifié par les deux parties dans le délai de deux mois ; mais il présentait si peu d’avantages pour la France, que Barbé-Marbois, rapporteur de la commission nommée par le conseil des anciens pour l’examiner, conclut au rejet. La révolution du 18 fructidor ayant amené le coup d’État par suite duquel ce député fut déporté, Barras obtint sans difficulté la ratification par les deux chambres législatives. Mais, tandis que la fortune favorisait d’Araūjo à Paris, les intrigues du ministre Pinto entravaient la ratification du régent, dont l’irrésolution servait merveilleusement les vues du cabinet britannique. Le terme péremptoire pour la ratification fut dépassé, le traité devint caduc, et le rôle du négociateur portugais se trouva terminé. Cependant il tint bon, et, comptant un peu trop sur la puissance de l’argent, il crut avoir gagné la partie en obtenant des directeurs une prolongation de délai, en même temps qu’il recevait de ses amis de Lisbonne l’assurance que le régent finirait par ratifier. Sur ces entrefaites, des intrigants, aux gages d’Araūjo, se vantaient publiquement qu’aussitôt après la ratification du cabinet de Lisbonne celle du directoire était assurée, attendu qu’on avait gagné le directeur Barras et deux de ses collègues moyennant une somme d’argent. C’était précisément à l’époque où la vénalité du directeur passait pour chose avérée ; et l’arrestation d’un agent diplomatique vénitien, motivée sur une intrigue du même genre (voy. Barras), avait ajouté à la conviction générale. Le directoire voulut, par un acte de rigueur, prouver son innocence en sacrifiant d’Araūjo. Ce diplomate fut emprisonné au Temple, accusé d’avoir manqué au gouvernement français, et d’avoir abusé de la condescendance qu’on avait eue pour lui en permettant qu’il prolongeât son séjour à Paris après l’expiration de ses pouvoirs. Mais tout cela n’était qu’une vaine démonstration : après plusieurs mois de détention et beaucoup de propos ridicules sur le procès qu’on devait lui faire subir, d’Araūjo fut mis en liberté, et il revint a la Haye. Ce qu’il y a de plus bizarre, c’est qu’au moment où ce trop crédule diplomate était à Paris victime d’ignobles intrigues, ses ennemis osaient proposer dans le conseil du régent de Portugal sa mise en accusation pour avoir agi contre les ordres du ministre des affaires étrangères ! Le prince régent savait mieux que personne qu’Araūjo n’avait rien fait que d’après des ordres émanés de lui et transmis par Seabra, a l’insu de Pinto et des autres ministres ; mais il eut la faiblesse de ne pas en faire l’aveu et de souffrir que cette accusation fût portée en sa présence : il est inutile de dire que tout cela n’eut aucune suite. On conviendra cependant que, dans la position critique où d’Araūjo se trouva placé par la non-ratification du traité dans le délai stipulé, il montra beaucoup de légèreté et trop de confiance en son habileté. Les intrigues du cabinet de Madrid, dont il ne se méfiait pas assez, contribueront aussi à sa mésaventure ; et il est aujourd’hui reconnu que ce fut le prince de la Paix qui arrêta à Madrid un courrier chargé de porter à d’Araūjo la résolution définitive de la cour de Portugal. La ratification arriva enfin à Paris, mais beaucoup trop tard, et le directoire déclara le traité nul